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5 minutes pour comprendre la méthode Elon Musk

5 minutes pour comprendre la méthode Elon Musk

Cet article est le premier d’une série consacrée aux entrepreneurs et dirigeants qui, par leur leadership, modèlent leur entreprise autour de leur vision stratégique originale et nous amènent à repenser nos propres modèles d’innovation, d’organisation, de management et de création de valeur en vue de sa transformation digitale. Nous vous proposons donc d’inaugurer cette rubrique avec le plus emblématique et médiatique des entrepreneurs actuels, Elon Musk.

Elon Musk attire, intrigue, déplaît, effraie parfois. Mais ses défis ne laissent personne indifférent. Il suffit de voir le nombre d’articles paraissant chaque semaine dans le monde sur lui-même et ses entreprises pour saisir l’ampleur du phénomène. Quelle est donc sa méthode ? Comment aborde-t-il chacun de ses projets ? Mon but n’est pas de relayer ici une énième rumeur, ni de gloser sur ses échecs passés et futurs. Cet article a pour objectif de prendre du recul, j’espère même de la hauteur, afin de dresser une liste des points clefs permettant de comprendre l’approche innovante d’Elon Musk dans chacun de ses projets. J’ai volontairement ôté dans les principes énoncés tout élément spécifique aux domaines aéronautiques, automobiles, des transports et de l’énergie chers à Elon Musk, avec SpaceX, Tesla, Hyperloop, SolarCity, afin de les rendre le plus universel possible et à même de s’appliquer à de nombreux secteurs, si tant que cela soit possible ou souhaitable. Je les utilise uniquement pour illustrer chacun des points. Je le vois plutôt comme une source de réflexion et un guide permettant de redéfinir l’approche d’un sujet d’innovation ou de rupture.

Les 12 principes de la méthode Elon Musk

– Une stratégie de montée en puissance définie dès le début du projet. Le court terme est banni au profit du long terme.
– Une logique commerciale inversée. Un produit initial de rupture symboliquement fort dans un marché de niche afin de marquer les esprits et asseoir la notoriété, puis des produits de masse pour s’imposer sur des marchés importants en améliorant les innovations du produit de rupture originel tout en réduisant son coût. Qui peut le plus peut le moins. A titre d’exemples, le Roadster de luxe Tesla a favorisé le lancement du modèle 3 au prix d’une berline standard, tout comme la fusée Falcon 1 a permis l’ouverture du marché mondial à la Falcon 9.
– Une intégration verticale maximale de la R&D à la conception et la production pour réduire les coûts, maîtriser les risques et minimiser la dépendance à des fournisseurs tiers.
– Des cycles le plus court possible entre l’idée innovante, son prototypage, et le test afin de dépasser le moins possible des délais irréalistes. Au risque d’annoncer des délais irréalistes et de sous-estimer les difficultés inhérentes à tout projet complexe de rupture dans un marché. Cette méthode s’applique jusqu’à la gestion en temps réel des données et la capacité à gérer des dysfonctionnements en un temps record.
– Le recours à des technologies grand public disponibles aisémentpour réduire encore plus les coûts et compresser les délais. Une technologie innovante est rare, chère et longue à concevoir mais plus performante que celles disponibles pour le grand public. Tout l’enjeu repose donc sur leur optimisation, et donc le point suivant.
– Une stratégie d’optimisation des technologies et de tout élément relatif au projet (process, workflow, fabrication, pilotage) au-delà des standards.
– La responsabilisation et l’autonomisation des collaborateurs, fruit d’un recrutement sélectif, permet de s’adapter plus rapidement et de gagner en réactivité.
– Une analyse très fine des limites des acteurs en place, de leur méconnaissance du digital, et de leur capacité à se transformer et revoir leur modèle économique.
– Une implication forte à chaque étape d’un projet, à commencer par la pleine compréhension théorique et technique du sujet.
– Une implication qui peut aller jusqu’au management direct avec le moins de hiérarchie possible lorsque cela permet de gagner en efficacité. Elon Musk est ainsi allé jusqu’à envoyer en mai 2010 un e-mail sur l’abus des sigles au sein de la communication de SpaceX : “Pris isolément, quelques acronymes ici ou là peuvent sembler inoffensifs, mais si mille personnes se mettent à en inventer, nous devrons à la longue constituer un énorme glossaire pour les nouveaux salariés. (…) Le critère, pour un sigle, est de se demander s’il facilite ou complique la communication.
– Une capacité à prendre des décisions rapides, sans jamais perdre de vue l’objectif à long terme, et ce malgré l’urgence et l’enjeu à court terme de certaines d’entre elles.
– Et une bonne dose de “champ de distorsion de la réalité”, propre à SteveJobs, nécessaire à la fois pour rendre l’impossible concevable, supporter la pression, miser toute sa fortune, et amener les collaborateurs à accepter l’inacceptable.

La théorie du champ unifié d’Elon Musk

Il est important de comprendre une chose essentielle lorsqu’on se penche sur la personnalité d’Elon Musk : toutes ses initiatives représentent moins des opportunités commerciales qu’une vision du monde.

Tout comme Steve Jobs, auquel on le compare souvent, à tort ou à raison, Elon Musk veut plier le monde à sa propre perception et l’emmener là où il le souhaite. Mais il n’est pas un marchand de rêve utopique ou distopique, il est d’abord et avant tout rationnel dans ses choix comme dans ses rêves. Il a donc conçu un écosystème entreprenarial interconnecté à court et long termes que l’on regroupe sous l’idée de “théorie du champ unifié” où chaque élément contribue à la prise de valeur de l’autre et de l’ensemble. Pour citer l’auteur de la biographie d’Elon Musk, Ashlee Vance :

Tesla fabrique des batteries que SolarCity peut vendre à ses clients. SolarCity fournit les panneaux solaires des stations de recharge où les conducteurs de Tesla peuvent s’approvisionner gratuitement. […] Tesla et SpaceX s’aident aussi mutuellement. Ils échangent des connaissances sur les matériaux, les techniques de fabrication et les arcanes du fonctionnement d’usines construites à partir de zéro. […] La Gigafactory devrait lui permettre de satisfaire la demande de batteries due à ses automobiles et aux unités de stockage vendues par SolarCity.

C’est là un point capital, une approche systémique permettant de :

  • mutualiser les ressources,
  • réduire les délais,
  • optimiser les coûts,
  • rentabiliser les technologies mises au point d’une entreprise à l’autre,
  • améliorer sans cesse les produits tout en réduisant leur coût
  • gagner des parts de marché grâce à des innovations rapides et meilleures marché que les concurrents
  • fidéliser en améliorant sans cesse la qualité du produit (la proposition de valeur) sans faire payer le client.

En résumé, Elon Musk crée la demande par des innovations de rupture, fixe lui-même les nouvelles règles du jeu pour asseoir un nouveau standard industriel, et son agilité lui permet de contourner les règlementations qui deviennent pour des concurrents des freins plus que des avantages.


Cet article fut initialement publié sur mon blog www.nicolasbariteau.com

Les dirigeants doivent privilégier la productivité à l’efficacité

Les dirigeants doivent privilégier la productivité à l’efficacité

Les chefs d’entreprises confondent souvent efficacité et productivité. Pourtant ces deux concepts sont très différents, et il convient de bien les distinguer, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’élaborer et conduire une stratégie. Les dirigeants sont focalisés sur la croissance de leur entreprise. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’adopter une approche orientée vers la productivité en aplanissant les obstacles internes, ce qui ne va pas de soi après plusieurs décennies de management centré sur l’efficacité.

Efficacité ou productivité ?

L’efficacité dans le travail se définit comme le nombre d’heures de travail nécessaires pour accomplir une tâche donnée par rapport aux standards de secteur. On évalue généralement l’efficacité en comparant le nombre d’heures effectives actuelles avec celui habituellement requis pour effectuer la même tâche. L’efficacité consiste à faire une chose précise en optimisant sa production par la réduction du temps passé à l’effectuer. Les entreprises cherchent ainsi à améliorer l’efficacité en réduisant le nombre d’heures, autrement dit, en réduisant les coûts afin d’augmenter la profitabilité. Cela peut passer par la réduction du temps de travail et l’optimisation de la gestion des effectifs.


Au premier regard, la définition de la productivité pourrait sembler assez similaire. La productivité dans le travail peut être définie comme la proportion de biens et de services produits en un temps donné. On mesure généralement la productivité en comparant la quantité de biens et de services produits avec les conditions ayant permis de les produire. La productivité consiste à faire plus de choses dans des conditions identiques. Les entreprises cherchent par ce moyen à augmenter la productivité à périmètre constant en terme d’effectifs.

Les dirigeants doivent adopter une vision différente de la performance au travail

Depuis plus de trente ans, les entreprises ont cherché à construire leur business avec une approche centrée sur l’efficacité. De nombreuses méthodes et outils ont été élaborés, Six Sigma par exemple, afin de les aider à réduire le gaspillage de temps ou de matériel pour effectuer une tâche ou concevoir un produit. En l’absence de croissance, les gains d’efficacité se font sur le dos des effectifs et se concrétisent sous le forme de résultats nets pour le marché. Un quête d’efficacité atteint donc vite ses limites du point de vu humain, à moins qu’une technologie ne le permette, soit en l’assistant, soit en le remplaçant.


Mais l’environnement concurrentiel n’est plus le même depuis l’arrivée de la déferlante numérique dans les années 90. Les bénéfices de l’amélioration de l’efficacité ont désormais atteint leur limite, et les chefs d’entreprises doivent adopter une vision différente. Sans une croissance suffisante, la stratégie consistant à vouloir augmenter les profits par l’amélioration de l’efficacité a conduit à vider l’entreprise de toute substance.


Si l’efficacité n’est plus l’ingrédient secret de la performance de l’entreprise, qu’en est-il de la productivité ? Bain & Company a récemment réalisé une étude sur la productivité et la performance des salariés en collaboration avec la Economist Intelligence Unit. À cette occasion ils ont interrogé plus de 300 dirigeants de grandes entreprises à travers le monde, et ils ont ensuite croisé leurs résultats avec plus d’une vingtaine d’audits organisationnels approfondis afin d’identifier les méthodes permettant d’améliorer la productivité des équipes et accélérer la croissance de l’entreprise. Cette étude a permis d’identifier 3 principes fondamentaux dans l’approche de la productivité.

Les 3 principes fondamentaux de la productivité

– La majorité des employés veulent être productifs mais l’organisation les en empêche. L’étude met en avant que les entreprises perdent plus de 20% de leur capacités de production, soit un jour chaque semaine, à cause de processus, de techniques de management et de modes d’organisations qui gaspillent le temps et empêche les gens de faire ce qu’ils ont à faire et d’aller jusqu’au bout de leurs taches dans un temps raisonnable. Le phénomène trop célèbre de la réunionnite aiguë, la mauvaise utilisation de l’e-mail et l’absence de processus collaboratifs établis en font partis. Il faut donc réduire cette déperdition. Pour cela, il faut simplifier la structure organisationnelle et aligner le mode de fonctionnement avec les réelles sources de valeur au coeur de l’entreprise. Il faut aussi combattre la bureaucratie et trouver des modalités de travail qui permettent aux employés de focaliser leur temps de travail sur la réalisation de leurs taches et l’atteinte de leurs objectifs.


– L’entreprise a des collaborateurs talentueux qui pourraient avoir un impact significatif sur la performance et l’exécution de la stratégie, mais ils sont trop souvent réduits à un rôle qui limite leur efficacité. L’étude a relevé que la plupart des entreprises interrogées investissent massivement dans la recherche de talents, jusqu’à la surenchère, mais ne savent pas en tirer profit. Ces talents peuvent représenter jusqu’à 50% des effectifs que l’entreprise soit leader ou non de son marché. Il convient donc de placer ces profils à des postes clefs afin d’avoir d’obtenir de meilleurs résultats, et mettre en oeuvre plus efficacement et rapidement la stratégie de l’entreprise.


– Certains collaborateurs débordent d’énergie et d’idées qu’ils pourraient consacrer à leur travail, mais ils ne sont bien souvent pas encouragés à le faire. Théoriquement, chaque employé peut améliorer son travail, mais la majorité d’entre eux ne font pas appel à leur ingéniosité ni leur créativité autant qu’ils le pourraient faute d’encouragements, de soutiens, ou d’incitation à le faire de la part de leur manager. L’étude met en avant que les collaborateurs satisfaits de leur conditions de travail sont 125% plus productifs que les autres. Dit autrement, un collaborateur peut produire 2,25 fois plus s’il évolue dans un contexte favorable pour effectuer son travail. Il faut donc aligner les objectifs de l’entreprise avec ceux des employés, ce qui amène bien souvent à redéfinir la culture de l’entreprise, à adopter des modalités de travail plus collaboratives, à développer l’autonomie et la responsabilisation de chacun. Même si un certain nombre d’employés ne souhaite pas ces changements, ce qui est humain, cette approche peut toutefois les conduire à se remotiver grâce à la dynamique créée au sein de l’entreprise, et à améliorer leur productivité de facto.

Comment adopter un leadership orienté vers la productivité

Ces principes demandent aux dirigeants de redéfinir leur leadership et ont d’importantes conséquences sur leur approche du management, du recrutement et du cadre de travail. Le changement de leur état d’esprit, plus orienté vers la productivité, peut s’avérer difficile pour certains mais le jeu en vaut la chandelle. L’étude suggère que les entreprises les plus performantes sont 40% plus productives que les autres. Et cet écart se traduit par des profits plus importants, jusqu’à 30% de marges opérationnelles et 50% de profits que les concurrents, avec une croissance plus rapide.


Les dirigeants qui adoptent une approche orientée vers la productivité doivent donc :

– Réduire significativement la déperdition liée à la structure organisationnelle.

– S’assurer que les talents sont à des postes clefs permettant d’avoir le plus d’impact sur la croissance de l’entreprise.

– Mettre tout en oeuvre pour tirer parti de la motivation des employés et de leur capacité à être source de proposition en collaboration avec les ressources humaines et le management.


Dans la prochaine décennie, il sera déterminant que les les dirigeants changent leur état d’esprit. Au lieu de se concentrer continuellement sur les gains d’efficacités, en réduisant les effectifs et en optimisant le temps de travail, ils devront incarner la nouvelle dynamique de l’entreprise pour redonner confiance et motiver les équipes. Il leur faudra écarter systématiquement les obstacles à la productivité, identifier les moyens d’améliorer les conditions et le contexte de travail, adopter une stratégie de recrutement et de management qui améliorera les performances de l’entreprise.