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Edward Snowden – Permanent Record

Edward Snowden – Permanent Record

Que feriez-vous si votre gouvernement pouvait examiner chaque message, photo et conversation que vous avez eu? Comment les citoyens devraient-ils réagir à la surveillance technologique de masse par un gouvernement élu démocratiquement? Edward Snowden a révélé l’un des plus grands secrets du gouvernement américain: un système de surveillance massif qui mémorise toutes les communications sur Internet et les stocke pour toujours. Pour la première fois, Snowden décrit son parcours, les idéaux qui l’ont inspiré pour révéler ces secrets et leur signification pour chacun de nous aujourd’hui.

Une histoire de famille engagée pour servir la Défense américaine

Né en Caroline du Nord en 1983, Edward Snowden fait partie de la dernière génération dont les activités ont été couchées sur des supports non numériques, dans des journaux intimes, des polaroïds et des bandes VHS, et non sur des périphériques en réseau connectés au cloud. Snowden est né dans une famille qui a servi dans tous les conflits et guerres de l’histoire américaine de la révolution à la seconde guerre mondiale. L’amour de Snowden pour les gadgets a commencé assez tôt, alimenté par son père, ingénieur en aéronautique et électronique à la Garde côtière, qui apportait à la maison de nouveaux appareils toutes les deux semaines. Les premières années de Snowden ont été remplies de jeux vidéo Nintendo et ont visité le laboratoire d’électronique de son père, où il a vu un ordinateur pour la première fois. Cette rencontre a marqué le début d’une fascination de toute une vie pour les ordinateurs et la programmation qui prendra bien souvent le dessus sur ses études scolaires. Sa mère, quant à elle, travaillait pour la N.S.A. (National Security Agency). Son enfance fut donc baignée dans un contexte de proximité avec la Défense américaine, tant géographiquement que culturellement.

Eward Snowden - Permanent Record
Eward Snowden – Permanent Record

Snowden raconte qu’il passait ainsi des nuits entières sur Internet, perdu dans un monde infini d’informations et de possibilités. L’anonymat d’Internet a permis au jeune Snowden de s’exprimer librement et lui a donné la liberté intellectuelle de forger ses opinions… et de pirater, à commencer par son école. En effet, pour passer plus de temps sur Internet, Snowden avait trouvé des moyens ingénieux de pirater une école en exploitant ses vulnérabilités. Il avait analysé son programme de cours et trouvé ainsi des moyens intelligents d’obtenir des notes décentes sans devoir faire ses devoirs. Ce penchant fut renforcé lorsque, atteint de mononucléose infectieuse pendant quatre mois, son état de santé fragile l’amena à développer sa pratique de l’informatique et des réseaux.

Le 11 septembre 2001, un événement fondateur

Un des actes fondateurs de son engagement pour la Défense américaine fut, au-delà de son histoire familiale, le 11 septembre 2001. Snowden était à Fort Meade ce jour là et il fut témoin du tumulte lorsque la NSA et la CIA reçurent l’ordre d’évacuer leurs bureaux. Cet événement extraordinaire laissa une empreinte durable sur lui et marqua un tournant fondamental dans la vie de Snowden.

Son éthique anti-establishment céda la place à un désir ardent de servir son pays en uniforme. Il fut autorisé à entrer dans l’armée et suivre l’entraînement des forces spéciales en tant que sergent, une filière d’élite habituellement réservée aux soldats de l’armée. Mais un accident pendant l’entraînement provoqua de graves fractures de stress et il fut renvoyé.

Pendant sa convalescence, Snowden sentit qu’il pourrait mieux servir l’Amérique grâce à ses compétences en informatique et commença à travailler pour la communauté du renseignement. Étant donné que la plupart des postes vacants au sein du gouvernement étaient contractuels, il travailla officiellement pour la société COMSO, mais son véritable travail consistait à assurer la maintenance des serveurs de la CIA depuis son siège.

L’agent Snowden

Au bout d’un certain temps, Snowden fut transféré afin de travailler directement pour la CIA en tant qu’officier de la sécurité de l’information des télécommunications, chargé de la maintenance d’à peu près tout, des serveurs aux panneaux solaires, au sein des stations de renseignement secrètes des ambassades américaines à l’étranger. Après une période de formation, Snowden partit donc travailler à Genève et mit ses compétences en espionnage numérique au service des agents de la CIA. Il a par la suite décroché un contrat avec la NSA au Japon en tant qu’ »’employé » de Dell.

Une nouvelle opportunité allait cependant, sans qu’il le sache, bouleverser sa vie. Bien que la NSA soit plus avancée que la CIA en termes de cyberintelligence, elle manquait des mécanismes de sécurité et de sauvegarde les plus élémentaires. Snowden a donc été chargé de créer EPICSHELTER, un système complet de reprise sur sinistre capable de rétablir le fonctionnement normal de tous les systèmes, même en cas de panne de Fort Meade.

STELLARWIND, ou la découverte fortuite d’un secret d’état

Lors de son travail sur les systèmes de la NSA, Edward Snowden fit une découverte fortuite qui lui révéla l’existence du programme STELLARWIND de la NSA, conçu pour la surveillance de masse de toutes les communications Internet à travers le monde. Ces données devaient être stockées à perpétuité pour être recherchées à volonté. La collecte continue et le stockage permanent de toutes les données signifiait que n’importe qui pouvait faire l’objet de pression ou d’accusations à tout moment grâce à cette collecte secrète et illégale de données personnelles. Snowden se rendit alors compte que son travail ne protégeait que la NSA, et non son pays.

Jusque là, les deux pays qui avaient tenté une surveillance massive étaient l’Allemagne nazie et l’Union soviétique de Staline. Désormais le gouvernement américain de George W. Bush décidait d’emprunter la même voix en s’appuyant sur les technologies numériques récentes, mais avec une efficacité et des proportions toutes autres. N’oubliez pas qu’un seul smartphone a aujourd’hui plus de puissance de calcul que les ordinateurs du Reich et de l’Union soviétique réunis à l’époque.

Lors de cette découverte, le gouvernement héberge donc volontiers des photos et des fichiers privés sur des services de cloud computing, cède la propriété des données et rend des entreprises des télécommunications et les GAFAM complice de la surveillance de masse. Cela a généré d’énormes revenus pour les entreprises, tandis que le gouvernement faisait du braconnage de données, soit par le biais de mandats secrets, soit en surveillant ces entreprises elles-mêmes.

Pliant sous le poids de telles informations, et de la culpabilité d’avoir contribuer à ce système de surveillance malgré lui, Snowden fut obligé de prendre un congé d’invalidité de courte durée à cause de crises d’épilepsies récurrentes, héritées de sa famille. Après des mois de convalescence, il prit un emploi au bureau de partage d’informations à Hawaii où son nouveau poste lui donnerait le loisir de récupérer et d’accéder aux fichiers de la NSA pour confirmer l’existence d’un système de surveillance de masse.

Les programmes de la discorde

Snowden a découvert à Hawaii trois programmes qui surveillent l’ensemble de l’Internet.

  • PRISM a collecté toutes les données de courrier électronique, audio, vidéo et de discussion en ligne de sociétés telles que Microsoft et Google.
  • Upstream Collection a collecté tout le trafic Internet en s’appuyant directement sur les fournisseurs de services Internet.
  • Enfin, XKEYSCORE était un moteur de recherche capable de rechercher n’importe quelle personne et de lire tous ses courriels, son historique de recherche, ses médias sociaux et même ses vidéos en direct.

Cette surveillance de masse de la NSA était une violation flagrante du quatrième amendement, encouragée par les trois branches du gouvernement. Snowden rappelle dans son autobiographie que son engagement, comme tout agent, repose sur le respect et la défense de la Constitution, non du gouvernement en place. Snowden s’est rendu compte que le seul moyen de rétablir l’équilibre des pouvoirs entre les citoyens et le gouvernement serait de rendre public les informations classées secret défense en sa possession par le biais des médias.

Il a donc exfiltré des documents en contrebande sur de minuscules cartes SD glissées dans son Rubiks Cube, et les a sauvegardés sur un disque dur crypté. Le cryptage, la seule protection fiable contre la surveillance, garantissait une clé secrète suffisamment longue pour que toute la puissance de calcul du monde ne puisse la briser.

De la révélation à l’exil

Un matin de 2013, sans prévenir venir sa compagne ni aucune autre personne, Snowden prend l’avion pour ne plus jamais revenir jusqu’à aujourd’hui aux États-Unis. Coupé du soutien de ses proches, isolé dans une marée humaine, il atterrit à Hong Kong où il rencontre la documentariste Lauren Poitras et Glenn Greenwald du Guardian. Le 5 juin 2013, le Guardian publie le premier article sur la collecte de chaque enregistrement d’appel de la NSA par Verizon. Le 6 juin, le Washington Post publie un article sur le programme PRISM. Le 9 juin, Snowden publie une vidéo sur le Guardian pour assumer la responsabilité de la dénonciation.

Devant faire face à une demande d’extradition du gouvernement américain, Snowden veut se rendre en Équateur pour demander l’asile. Mais lors d’une escale en Russie, des officiels russes lui annoncent que le département d’État américain a révoqué son passeport et qu’il est par conséquent bloqué à l’aéroport. Il y vivra 40 jours, contactant 27 pays qui tous lui refusent l’asile sous la pression de son gouvernement. Finalement, le gouvernement russe lui accorde l’asile temporaire et met fin à cette épreuve.

Les révélations de Snowden ont obligé le Congrès américain à lancer plusieurs enquêtes révélant comment la NSA avait systématiquement menti sur les programmes de surveillance. Le programme de la NSA a finalement été jugé inconstitutionnel par les tribunaux fédéraux. La loi américaine sur la liberté (Freedom Act) interdisait de plus explicitement la collecte en bloc des relevés téléphoniques des citoyens américains sans leur consentement. Apple et Google ont adopté le cryptage sécurisé sur leurs appareils.

Malgré cela, Edward Snowden vit toujours en exil en Russie, toujours sous la coupe d’un mandat d’arrêt international que le gouvernement américain refuse d’annuler malgré les condamnations. Il y vit heureusement avec sa compagne, devenue sa femme, qui partage son exil forcé. Souhaitant poursuivre son engagement, Snowden est aujourd’hui à la tête de la Freedom of Press Foundation, qui se consacre à l’autonomisation du journalisme d’intérêt public grâce à de meilleures technologies de cryptage. La fondation apporte notamment son soutien à Signal, une plate-forme d’appel et de texte crypté, et SecureDrop, une plate-forme permettant aux lanceurs d’alerte de partager des fichiers avec les médias.

Aujourd’hui, Snowden consacre son temps à parler des libertés civiles à l’ère numérique aux législateurs, aux universitaires, aux étudiants et aux technologues du monde entier. Changer la loi pour s’adapter aux changements technologiques prend du temps. Jusque-là, les institutions tentent de tirer parti de cet écart pour défendre leurs intérêts. Les développeurs de logiciels indépendants peuvent combler cette lacune en construisant des technologies prenant en charge les libertés civiles. Bien qu’une réforme juridique puisse aider uniquement les citoyens, un smartphone crypté peut aider les populations du monde entier.

Aaron Swartz – Celui qui aurait pu changer le monde

Aaron Swartz – Celui qui aurait pu changer le monde

Depuis plusieurs années, Aaron Swartz fait partie de ces figures tutélaires du Web, et plus largement du monde numérique, dont on ne sait plus très bien ce qu’elles ont fait. Mais son nom et son aura demeurent, intactes, pour tous les libres penseurs, les défenseurs des libertés, et les pourfendeurs de normes édifiées à la va vite. S’il était né quelques années plus tôt, son visage serait certainement apparu sur les campagnes d’Apple Think Different. Disons en tout cas que ce slogan lui collait parfaitement à la peau. Il s’est malheureusement suicidé en 2013 à l’âge de 26 ans.

Un ouvrage vient de paraître aux éditions B 42 intitulé Aaron Swartz, Celui qui pourrait changer le monde. Il réunit des écrits d’Aaron Swartz publiés pendant près de 10 ans sur son blog et autres publications. Culture libre, ordinateur, éducation, politique, les analyses d’Aaron se faisaient transversale avec en ligne de mire la nécessité de ne rien tenir pour acquis et de trouver des solutions simples grâce a la collaboration et la coopération des individus. Comme ce livre le rappelle dans une formule qu’il fait sienne,

« construisons juste quelque chose qui fonctionne ».

Ce credo, qui a fait le succès du Web et d’Internet, a bien souvent été attaqué, plus que de raison, par tous ceux qui pensent que le contrôle, la régulation et la censure permettent à la liberté de subsister plutôt que là saine émulation, parfois désordonnée, née des initiatives individuelles agissant dans un but commun. Bien sûr que son discours peut parfois sembler naïf ou utopiste, à moins que l’on ne se plonge dans ses textes et que l’on ne se rende compte alors que son propos était tout sauf simpliste. Il demeure même malheureusement encore d’actualité. Il fait notamment le récit de sa contribution à la lutte contre le projet de loi SOPA aux États-Unis, une tentative de censure d’Internet.

Aaron Swartz pendant les manifestations contre SOPA
Aaron Swartz pendant les manifestations contre SOPA

À la page 98, son texte fait écho à notre monde numérique actuel et les débats sur la fin de la neutralité d’Internet et autres tentatives d’atteinte à nos libertés d’expression ou de gestion de nos données personnelles. Il écrit :

« Et cela recommencera. Avec un nom différent, c’est certain, peut-être avec un autre prétexte, en provoquant des dégâts d’une autre manière. Mais ne vous y trompez pas : les ennemis de la liberté de connexion ne se sont pas évanouis. Cette fureur dans le visage des hommes politiques n’a pas été éliminée. Il existe un grand nombre de personnes, très puissantes, qui veulent bâillonner Internet. Et pour dire les choses franchement, il n’y en a pas tant que cela qui ont un intérêt manifeste à soustraire Internet à ces menaces. Même les plus grosses sociétés du Web, pour dire les choses comme elles sont, tireraient un grand bénéfice en évoluant dans un monde où des rivaux de taille bien plus modeste seraient censurés. Nous ne pouvons pas laisser les choses se dérouler ainsi. »

Je  vous invite fortement à lire cet ouvrage, simple dans la forme mais plus complexe sur le fond, qui permet de ne pas oublier les enjeux et débats parfois cachés derrière la technologie. Réseaux sociaux, communications chiffrées, algorithmes, intelligence artificielle, sont autant de mots qui font écho à notre humanité bien plus qu’aux potentialités de progrès qu’elles supposent. Aaron Swartz n’a eu de cesse de mettre au premier plan l’humain et son discours n’a jamais été autant d’actualité. C’est une voix qui manque aujourd’hui pour nous aider à penser différemment notre monde numérique. Les débats seraient certainement vifs autour de Facebook, de Google, ou d’Amazon, s’il était parmi nous, mais, à n’en pas douter, son esprit est toujours vivant,

Bonne lecture !