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Vous connaissez l’effet Kodak ? Ce cas est devenu l’emblème des entreprises que la révolution numérique a fait chuter de leur piédestal faute de s’être adaptées, victimes du dilemme de l’innovateur. Les entreprises qui réussissent seraient celles qui se préparent au changement et non celles qui s’adaptent. Pourquoi ? Parce qu’en 1960, Théodore Levitt publia un article devenu aujourd’hui un classique dans la Harvard Business Review par lequel les dirigeants étaient sommés de s’adapter afin de maintenir la croissance de leur entreprise. Sans adaptation, point de salut. Sans capacité à comprendre l’évolution du marché réel dans lequel l’entreprise évolue, le naufrage serait proche, la chute inévitable. La preuve ? Kodak serait mort faute de s’être s’adapté. La réalité semble pourtant beaucoup moins évidente. Je vous propose donc de partager avec vous les 3 éléments clefs d’une entreprise performante.

Une entreprise qui se prépare n’est pas forcément apte à réussir.

Revenons à Kodak. L’entreprise serait-elle morte faute d’avoir vu venir la photo numérique, de s’être préparée à une rupture technologique sur le marché de la photo ? Non, puisqu’en 1975, elle inventa dans ses laboratoires cette même technologie, et déposa en 1978 le premier brevet d’appareil photo numérique avec capteur CCD. Pourtant ce furent les marques asiatiques, Canon et Nikon en tête, et allemandes, Leica et Zeiss, qui lui damnèrent le pion et se partagèrent le gâteau. Pourquoi un tel succès ? Leurs coeurs d’activités étaient différents de celui de Kodak, la pétrochimie, et plus apte à prendre le tournant numérique. Canon avait développé une forte activité sur le marché des photocopieurs et imprimantes, et s’était fortement diversifié, contrairement à Kodak. Nikon, tout comme Leica et Zeiss, sont depuis toujours spécialisés dans l’optique, autre élément essentiel de la photo numérique. Il fut dès lors très facile pour ces deux derniers de nouer des partenariats avec les nouveaux champions de la photo, tels Panasonic ou Sony. Kodak a donc déposé le bilan en 2012 non pas faute de ne pas s’être préparée avec sa R&D, mais faute de s’être adaptée, et ce malgré le rachat de nombreuses start-up surpayées qu’elle n’arrivait pas à intégrer. Aujourd’hui, la croissance phénoménale d’une entreprise comme Facebook repose sur sa capacité à se préparer et à s’adapter par le clonage d’un service concurrent prometteur ou son rachat. Lorsqu’Apple commercialise son iPod en 2001, le marché des lecteurs MP3 est déjà saturé d’offres. L’innovation de la pomme n’est pas celle d’une rupture mais celle d’une amélioration technologique (la capacité du mini disque dur nouvellement créé par Toshiba) et d’usage (l’ergonomie du produit) grâce à une bonne préparation et une adaptation au marché de l’écoute de musique mobile née du Walkman de Sony. Le succès financier d’Apple viendra surtout du business model créé autour du produit avec le lancement d’iTunes dont ne voulait même pas Steve Jobs !

Une entreprise qui réussit est une entreprise prête à modifier son business model.

Comment expliquer alors l’échec de temps d’entreprises qui se préparaient à des évolutions de marché ? Le dilemme de l’innovation. Ce concept, énoncé par le chercheur Clayton Christensen, explique l’échec d’une innovation de rupture par une absence de modèle économique ou un business model au moins inadapté. Kodak, pour continuer notre étude de cas, n’a pas voulu promouvoir son innovation pour ne pas remettre en cause son business model dominant centré sur la vente de films argentiques et son coeur de métier issu de la pétrochimie. Pour preuve, sa tentative avortée de proposer à la place des « pellicules » numériques, l’APS. Changeons le produit, pas le business ! Vouloir faire entrer une innovation dans le modèle d’une activité traditionnelle est une erreur classique qui ne conduit qu’à l’étouffement de la croissance. On appelle cela le « cramming » ou bourrage. Cela ne vous rappelle rien ? Les médias traditionnels, et particulièrement la presse, sont aujourd’hui victimes de ce bourrage, en voulant dupliquer le modèle publicitaire du papier vers Internet. Un business model n’est pas qu’une question d’argent, c’est d’abord et surtout la capacité à rendre une offre attractive en l’adaptant au client.

Une entreprise se définit par sa capacité à résoudre une problématique client.

Lorsqu’une entreprise veut s’adapter aux évolutions de son marché, elle est contrainte par un facteur déterminant, le temps. Dit autrement, sa capacité à agir vite, sachant que le nouvel entrant aura la prime du premier arrivé, à condition que le marché soit mature, et les usages des clients à minima en train d’éclore. L’innovation est une question de timing, elle ne doit arriver ni trop tôt, vous recevrez de nombreux témoignages d’estime mais pas de chiffre d’affaire, ni trop tard, vous serez alors qualifié de suiveur et n’aurez même pas l’estime. Une entreprise performante ne se définit pas par son marché mais par sa capacité à répondre à une problématique client. Elle doit donc le comprendre le mieux possible, ce que l’on appelle désormais l’approche orientée client, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain mais se prépare longtemps à l’avance afin de construire sa croissance. D’où l’expression « shapping the future ». Plus votre connaissance client sera forte, plus vous pourrez innover ou vous adapter rapidement avec de meilleurs produits. Réagir vite sans préparation permet seulement de sauver les meubles, et toute agile que soit votre entreprise, vous resterez l’outsider. Ce qui n’est pas forcément mauvais en soi si votre business repose sur la croissance à court terme et que vous ne visez pas la première place. Mais cela est problématique si vous cherchez à être le leader de votre marché. Regardez l’échec cuisant de Google face à Facebook avec ses tentatives de concurrence via son réseau social Orkut, puis Google Wave, Google Buzz et enfin Google+. Un échec cuisant. Le secret est finalement assez simple à définir mais souvent difficile à mettre en oeuvre : toujours chercher à avoir une longueur d’avance.